Potosi est une étape sur notre route tandis que nous sillonnons la Bolivie. Un bref stop avant notre expédition dans le Salar d’Uyuni juste après la découverte de Sucre, la ville blanche. Le centre historique compte quelques jolies maisons coloniales aux façades colorées et quelques musées à découvrir dont la « Casa Nacional de la Moneda », un imposant monument construit par les espagnols au cours du « Siècle d’Or » où furent frappées les monnaies d’une grande partie des pays d’Amérique du Sud. Mais la principale activité touristique de Potosi consiste à descendre visiter les coopératives minières situées sous le Cerro Rico en se laissant guider par d’anciens mineurs. Retour sur une expérience hors norme.
J’ai les poches remplies de feuilles de coca, une bouteille de soda calée sous le bras droit, un bâton de dynamite dans la main gauche. La petite marchande bolivienne me jette un regard approbateur. A priori, c’est le minimum attendu. Car on ne descend pas dans les mines de Potosi les mains vides. On descend les bras chargés de cadeaux pour les mineurs : de la coca, des cigarettes ou de l’alcool à 96°c pour « adoucir » le quotidien, de la dynamite pour faciliter le travail.
J’ai troqué mes vêtements contre une combinaison grise sans forme. Je flotte dedans. Le casque vacille sur mon crâne et la frontale se détache au moindre mouvement. Les bottes sont trop grandes mais pour descendre dans les mines bâties sur les contreforts du Cerro Rico, elles feront largement l’affaire. Nous formons un petit groupe de sept personnes, principalement des voyageurs au long cours âgés d’une trentaine d’années, mené par Wilson, un ancien mineur officiant désormais en tant que guide pour Big Deal Tours. De manière machinale, Wilson mâche des feuilles de coca. Celles-ci forment une boule énorme coincée dans le coin de sa joue. Je lui donne entre trente-cinq et quarante ans mais je me trompe sans doute car en Bolivie, les gens paraissent toujours plus âgés qu’ils ne le sont vraiment.
L’ouverture de la mine est un trou sombre et béant creusé dans la montagne, soutenu par des poutres usées. Il existerait plusieurs centaines de kilomètres de galeries sous le Cerro Rico. On y pénètre précautionneusement et, pas après pas, on s’enfonce dans les méandres de la mine. L’obscurité grignote chaque recoin et seuls les faisceaux des frontales éclairent nos pas. On progresse, courbé en deux, dans un véritable labyrinthe fait de tunnels infinis semblables les uns aux autres. Il fait une chaleur lourde, étouffante. La poussière – un joli mélange de silice, de plomb et d’autres produits toxiques – est épaisse, la respiration difficile. Par réflexe, je porte la main à mon visage, protégé par un fin masque blanc. Et je ne peux m’empêcher de penser aux hommes qui travaillent en ces lieux et dont l’espérance de vie dépasse rarement les quarante-cinq ans…
Par endroit, le sol est jonché de chariots, de pelles et de pioches. Des échelles branlantes sont adossées aux murs et des lampes à acétylène permettent de déceler les poches mortelles de monoxyde de carbone. Les objets nous semblent archaïques pourtant les mineurs les utilisent au quotidien pour creuser la roche et dégager les minéraux : du zinc, de l’étain et parfois un peu d’argent même si la source s’est tarie. Ils sont encore nombreux à travailler dans ces galeries insalubres, fiers d’être mineurs, se rattachant à l’espoir de pouvoir trouver un jour le filon qui les rendra riches.
On progresse dans les galeries au fil des anecdotes de Wilson sur les us et coutumes des travailleurs ou le fonctionnement de la mine. Car les mineurs sont des travailleurs indépendants affiliés à une coopérative qui régit l’exploitation des galeries. Pour intégrer une coopérative, il faut d’abord faire ses preuves en se faisant engager pendant trois ans par un mineur en activité, un père, un oncle ou tout simplement par un autre mineur par “solidarité”. A l’issue de ces trois ans, le mineur se voit attribuer à son tour une veine de la mine qu’il exploitera comme bon lui semble. Si la veine s’épuise et les minéraux s’amenuisent alors le mineur devra repartir à zéro.
Par moment, le bruit d’une détonation résonne. Mon corps se fige, mes mouvements restent en suspens, les sens aux aguets… Mais c’est une galerie voisine qui est touchée. Alors je reprends ma progression, accroupie dans la poussière, en suivant le groupe et notre guide du jour. Nous parvenons sous une voûte légèrement plus haute que les autres. Plongée dans l’ombre, la statue d’un diable m’observe, une cigarette à moitié consumée entre ses lèvres de pierre, les pieds recouverts de bouteilles d’alcool vides. On l’appelle Tata Kaj’Chu, ou plus familièrement El Tio. Il est le gardien de la mine, le démon protecteur. Avec nonchalance, Wilson s’installe à ses côtés comme s’il s’agissait d’un vieil ami. Car les mineurs sont aussi pétris de superstitions. Mais El Tio est là pour eux et, en échange de leurs offrandes, il assure leur protection…
VISITER LES MINES DE POTOSI, LES CONSEILS PRATIQUES
Quelle agence pour visiter les mines de Potosi ?
Nous avons effectué la visite des mines avec l’agence Big Deal Tours. Elle se situe à deux pas de la “Casa de la Moneda” dans le centre historique de Potosi. Les visites ont lieu deux fois par jour à 08h30 et à 13h30. Elles durent environ quatre heures et sont guidées par d’anciens mineurs. Le tour coûte 150 Bolivianos par personne. L’agence reverse une partie du prix de l’excursion aux coopératives des mineurs. Il n’y a pas de visites le dimanche. Si vous effectuez ce tour le samedi, sachez que peu de mineurs travaillent ce jour-là. Les mines seront donc en grande partie désertes.
Quel est le programme de la visite ?
On débute par quelques courses afin d’acheter des “cadeaux” à destination des mineurs puis s’ensuit la visite d’une raffinerie avant de descendre dans les mines sous le cerro Rico. Pour l’achat des cadeaux, comptez environ 25 Bolivianos. L’agence nous a prêté la tenue : combinaison, bottes, masque pour se protéger le visage, casque et sac pour glisser nos effets personnels.
Quelques recommandations…
- Visiter les mines de Potosi est une expérience qui “te remet à ta place”. Soyez humbles et curieux : posez toutes les questions qui vous traversent l’esprit pour en apprendre plus sur les conditions de travail et de vie des mineurs, leurs superstitions mais aussi sur Potosi.
- Pour descendre dans les mines, il vaut mieux être en bonne condition physique car il vous faudra progresser en étant courbé en deux mais aussi marcher en canard, ramper parfois et courir pour ne pas gêner le travail des mineurs.
4 comments
Oh voilà une visite qui change franchement de ce qu’on peut voir d’habitude sur les blogs voyage… ça devait être une expérience très forte. Il n’y a pas si longtemps en France, les mineurs vivaient la même chose dans le Nord…
Bonjour Irène ! Merci pour ton commentaire. Au-delà des jolis voyages, j’espère réussir à montrer un côté un peu moins rose, un peu moins lisse d’une destination avec le peu que j’ai pu apprendre… Difficile de vanter ensuite une destination quand on prend conscience de ce qu’est le quotidien de ses habitants. C’était vraiment une grosse claque.
Superbe article (et photos). Ca donne vraiment envie d’y aller pour mieux comprendre le travail des mineurs et leurs conditions de vie.
Ce devait être une expérience vraiment intense. Je trouve que ce que tu dis “c’est une expérience qui te remet à ta place” est vraiment très bien trouvé pour le coup ! 🙂
Merci pour cette visite !
J’ai l’impression d’avoir été sur ton épaule pendant une miniscule partie de la visite !