Le trek El Choro est l’un des itinéraires de randonnée les plus accessibles et les plus faciles à organiser en autonomie en Bolivie. Alors que le point de départ du trek se situe à une demi-heure de route de La Paz, ce trek permet d’allier le franchissement d’un col à 4885 mètres d’altitude et la traversée d’une forêt sub-tropicale. Après deux jours passés à La Paz, entre la découverte de la vallée de la lune aux allures de Far West et les étals du marché aux sorcières, ornées de foetus de lama visant à conjurer le sort, nous n’avions qu’une hâte : nous retrouver toutes les deux au beau milieu de la nature. Mais notre première journée de randonnée allait nous réserver de nombreuses surprises…
La brume envahit tout sur son passage. Elle enveloppe les sommets des montagnes, recouvre la surface des lagunes, efface les contours du chemin le long duquel nous avançons péniblement. Peu à peu, elle s’est transformée en pluie. La pluie, elle, s’est transformée en neige. Mes chaussures de marche sont trempées, provoquant au moindre pas un désagréable bruit de succion. Mon sac est recouvert d’une fine pellicule blanche tandis que le givre s’accroche aux cheveux sombres de Célia. En nous élançant le long du trek El Choro, nous nous attendions à tout sauf à nous retrouver prises au piège dans la tempête. Car jusqu’à présent, nous n’avons marché qu’un ridicule petit kilomètre depuis La Cumbre, un lieu-dit au beau milieu des Yungas, point de départ de notre randonnée.
Plus nous grimpons en altitude, plus la neige se renforce et les températures chutent tandis que notre visibilité s’amenuise. Nous avançons progressivement dans cet enfer blanc, les yeux rivés sur notre Smartphone, avec pour seul repère le petit curseur de notre trace GPS. Continuer à marcher ou faire demi-tour ? La question m’effleure au moment même où elle franchit les lèvres de Célia. Je garde le silence, tout en cherchant à évaluer les risques, mais au fond de moi résonne un « NON » ferme et puissant. Alors on persévère. On décide de laisser une chance au Choro et de passer le col à moins d’un kilomètre de là. À notre grand soulagement, la neige faiblit et le vent retombe, nous offrant ainsi quelques instants de répit. Nos jambes se délient et nous dévalons les kilomètres jusqu’au refuge de Samaña Pampa niché au cœur de la vallée en contrebas.
Tout au long de cette première journée de randonnée, nous avançons sous les averses, nous nous laissons engloutir par la brume, nous apprenons à écouter le silence qui emplit les vallées. Nous traversons des villages totalement déserts. Les maisons ont été barricadées par leurs anciens occupants. Certains refuges ou hostels n’existent plus et les fermes sont à l’abandon. La haute saison touristique semble bien loin derrière. Un groupe marche sur nos talons. Leur guide, un vieil homme au visage marqué par le temps, me dit que je ressemble à un condor, emmitouflée dans ma cape de pluie. Je resserre les pans autour de mon corps et me drape dans ma dignité.
El Choro est une ancienne route inca, jalonnée de pavés lisses, rendus glissants par la pluie. Le deuxième jour, nous progressons à bon rythme au beau milieu d’une forêt dense et humide, allant de point de vue en point de vue, de cascade en cascade et traversant à guet une rivière au pont instable et au bois craquelé. Le chemin oscille entre dénivelé positif et négatif. Ce jour-là, nous ne croiserons pas âme qui vive hormis une petite dame vivant seule dans une cabane en bois à San Francisco, un lieu-dit proposant un abri pour randonneurs. Sa condition est précaire et tandis que nous mettons notre eau à bouillir pour la soupe, elle nous interroge, pleine d’espoir, sur le nombre de personnes présentes sur le sentier. Nous lui parlons vaguement du groupe qui nous talonne mais l’isolement et la solitude dans laquelle se trouve cette dame me fendent le cœur et c’est l’humeur un peu plus sombre que nous nous dirigeons vers Sandillani, notre refuge pour la nuit.
Nous passons notre dernière nuit perchées sur une colline. Au fil des heures, le ciel se teinte de rose et de violet. Nous profitons du spectacle avant de basculer dans l’obscurité. J’aime toujours autant la simplicité et la routine qui s’installent tandis que nous organisons notre bivouac. Si Célia gonfle nos matelas, je fais bouillir de l’eau pour le thé. Si elle prend le temps d’étendre notre linge humide, je prépare un abri en pierre pour protéger la flamme de notre réchaud. Ces quelques gestes sont rassurants et terriblement plus assurés que lors de nos premiers bivouacs en Écosse. Je me sens plus aguerrie, j’apprivoise la nature environnante. Je me ressource dans le calme et le silence qui règne sur El Choro. Et lorsque la nuit tombe, on allume nos frontales et on retranscrit dans notre carnet de notes les événements de ces derniers jours avant d’enfiler trois pulls chacune et de nous glisser au fin fond de nos duvets afin d’y puiser un peu de chaleur.
INFORMATIONS PRATIQUES SUR LE TREK EL CHORO
COMMENT SE RENDRE AU POINT DE DÉPART DU TREK EL CHORO ?
Le trek El Choro débute à La Cumbre, un lieu dit au beau milieu de nulle part, à une demi-heure de route de La Paz. Pour s’y rendre, il faut rejoindre en trufi (minibus partagé) ou en taxi le terminal de bus Villa Fátima, au nord de La Paz. Une fois arrivé au terminal, prenez un trufi en direction de la ville de Coroico et demandez un arrêt à « La Cumbre ». Normalement, vous n’aurez aucun mal à trouver et, dès votre arrivée au terminal, vous serez sans doute interpellé par un conducteur désirant remplir son trufi au plus vite. Le trajet entre Villa Fátima et La Cumbre coûte 25 Bolivianos par personne.
QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DU TREK EL CHORO ?
Le trek El Choro est un itinéraire de 51 kilomètres, réalisable en trois jours et deux nuits. Il se parcourt très bien en autonomie. La seule vraie difficulté de ce trek concerne les conditions météorologiques plus qu’incertaines.
- Jour 1 – La Cumbre à Challapampa, 20 kms : Cette première journée vous fera traverser montagnes et vallées brumeuses. Vous débutez à La Cumbre à plus de 4500 mètres d’altitude. Le trek démarre par 3 kms d’ascension (assez faciles) pour atteindre le col et point culminant à 4885 mètres d’altitude. Ensuite vous ne ferez que descendre pendant presque 18 kms pour atteindre Challapampa à un peu moins de 3000 mètres d’altitude. Attention, les derniers kilomètres se font sur un chemin inca, c’est-à-dire un chemin plein de pavés glissants. Entre midi et deux, faîtes une pause au refuge de Samaña Pampa, à 10 kms de La Cumbre.
- Jour 2 – Challapampa à Sandillani, 23 kms : Le deuxième jour est l’étape la plus longue. Depuis Challapampa, vous partez pour 2 heures et 4 kms de descente sur des pavés incas jusqu’au lieu dit de Chairo où vous serez amenés à traverser une rivière. Une fois arrivé au niveau de la rivière, vous repartez pour 200 mètres de dénivelé positif jusqu’au camping de Buena Vista ou vous pourrez faire une pause et profiter de la vue. Pour déjeuner, je vous conseille plutôt d’aller jusqu’à San Francisco à 14 kms de Challapampa. Après ça, le chemin oscille entre descente et montée. Avant d’atteindre Sandillani, il vous faudra traverser une rivière à guet car le pont est interdit d’accès. Ce jour-là, on quitte définitivement la montagne pour la forêt sub-tropicale. Le chemin est jalonné de cascades.
- Jour 3 – Sandillani à Chairo, 8 kms : depuis Sandillani, il vous faudra à peu près 2h30 pour rejoindre Chairo, la fin du trek El Choro. Le dénivelé négatif est d’environ 200 mètres.
COMMENT SE REPÉRER SUR LE TREK EL CHORO ?
Comme d’habitude, nous avons rechargé au maximum nos deux Smartphones et notre Powerbank, et téléchargé une trace GPS sur le site Wikiloc consultable sur l’application GPX Viewer. Le chemin est très bien tracé. Il laisse peu de place au doute. En revanche, la trace nous a été très utile le premier jour lorsque nous nous sommes retrouvées coincées dans la tempête de neige. Sans cette trace, nous nous serions sans aucun doute perdu car nous n’avions aucune visibilité. Maps.me est une autre application qui permet de très bien se repérer.
COMMENT REJOINDRE LA PAZ UNE FOIS LE TREK TERMINÉ ?
Le trek El Choro s’achève dans un petit village nommé Chairo. Afin de rejoindre La Paz, il vous faudra d’abord prendre un taxi de Chairo jusqu’à la ville de Coroico. Le trajet entre Chairo et Coroico est assez cher. Il coûte 150 Bolivianos au total. Vous voyagerez dans un vieux véhicule disposant le plus souvent de quatre places et ne payant pas de mine… Pour diminuer le coût, essayez de vous arranger avec d’autres randonneurs – dès votre arrivée à Chairo ou la veille à Sandillani – en partageant le véhicule.
Une fois arrivé à Coroico, rendez-vous au terminal de bus pour prendre un trufi en direction de La Paz. Le trufi part une fois rempli. Le trajet coûte 20 Bolivianos par personne. Le trufi vous déposera au terminal de Villa Fátima.
QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES POSSIBILITÉS D’HÉBERGEMENTS DURANT LE TREK ?
Le trek d’El Choro se parcourt généralement entre les mois de Juillet et Septembre. Cependant, à la mi-septembre, une bonne partie des hébergements indiqués sur le plan de départ était à l’abandon. Voici les hébergements possibles :
- Refuge de montagne à Samaña Pampa, à environ 10 kms de La Cumbre, à côté d’un cours d’eau : un refuge très sommaire pourvu de deux lits et de peaux de moutons. Vous y trouverez une petite boutique. Vous devrez aussi signer le registre du parc.
- Le long du sentier de randonnée juste avant Challapampa : des emplacements de camping facilement identifiables grâce aux traces de feux de camp laissées par les randonneurs. En contrebas, on trouve une rivière.
- Challapampa, un camping à 20 kms : c’est le premier arrêt officiel du trek. Sur le plan, deux campings sont indiqués mais il n’en existe plus qu’un. Il dispose d’abris sous lesquels planter vos tentes, d’une petite boutique et de toilette. Il est possible d’y faire un feu de camp. La nuit coûte 15 Bolivianos par personne.
- Buena Vista, un camping à 30 kms de La Cumbre : il dispose de quelques abris pour les tentes et d’une vue superbe sur la montagne ! Il est possible d’y faire une pause le deuxième jour.
- San Francisco : un camping géré par une petite mamie solitaire avec une vue superbe sur la forêt et les montagnes, à 34 kms du point de départ. Vous y trouverez une petite boutique et des abris pour votre tente.
- Sandillani : des emplacements de camping mais aussi des dortoirs et chambres doubles ainsi qu’une boutique à 43 kms de La Cumbre. Sandillani est davantage un lodge qu’un camping. La nuit coûte 15 Bolivianos par tente.
Attention : dans chaque boutique, l’alimentation est très sommaire. Vous y trouverez parfois des nouilles chinoises, du thon, du Coca-Cola et beaucoup de snacks. Prévoyez vos repas avant de quitter La Paz.
Y A-T-IL UN DROIT D’ENTRÉE ?
Le droit d’entrée est de 20 Bolivianos par personne. Il se paie à un monsieur vieux comme le monde dans le petit village de Chucura à 14 kms de La Cumbre.
Par ailleurs, il faut signer trois registres : le premier se trouve au bureau des gardes du parc à La Cumbre, le second auprès de la petite mamie qui tient la boutique du refuge de Samaña Pampa et le troisième auprès vieux monsieur qui vous réclamera les 20 Bolivianos à Chucura.
OÙ TROUVER DE L’EAU SUR LE PARCOURS ?
Vous trouverez de l’eau sans difficulté sur tout votre parcours et pourrez vous ravitailler à chaque camping indiqué ci-dessus. Pensez à apporter des pastilles afin de purifier l’eau. Vous pourrez en acheter dans les boutiques de treks à côté du marché aux sorcières à La Paz.
J’espère que cet article vous permettra d’organisation au mieux votre randonnée en Bolivie. Retrouvez tous mes articles pour organiser un voyage de La Paz au Salar d’Uyuni sur le blog.
13 comments
Je suis toujours autant charmée et impressionnée de tout les treks que vous avez pu faire. Ça me paraît tellement énorme pour moi qui n’en ai jamais fais et en même temps ça donne envie ! Les photos et le texte sont toujours aussi passionnant. Je vous suis avec un grand plaisir 🙂
Et pourtant on débute en trek et randonnées ! Un jour, on deviendra des Warriors 😉
Encore une fois, les photos sont sublimes et les paysages magnifiques. Ça donne vraiment envie de chopper un billet d’avion !
Merci Mylia ! Quels sont tes prochains projets de voyage ? 🙂
J’adore tes récits de voyage !
Est t’il possible de faire ce treck sans tente ?
Bonjour ! Merci beaucoup ! Il faut une tente pour la première nuit car la plupart des refuges n’existent plus.
Un bel article aussi bien sur le fond que sur la forme… Je vous suivais sur Instagram mais je n’avais pas fait le lien avec le blog, quelle erreur ! J’espère aller en Amérique du Sud dans les prochaines années
Bonjour Irène ! Merci beaucoup ! J’espère que tu concrétiseras ton projet 🙂 Je vais m’atteler à la rédaction d’un article sur la préparation de notre voyage de cinq mois. A bientôt
Bonjour,
Merci beaucoup votre article ! Une petite question néanmoins, vous aviez emmené votre propre tente ? Pensez-vous qu’il est possible d’en trouver à acheter à La Paz pour une somme modeste ?
Bonjour Lucie, on avait notre propre tente. Il y a des magasins outdoor à La Paz mais je ne peux pas t’en dire plus car je me souviens plus des tarifs proposés. En revanche, le choix était assez limité, très orienté alpinisme. Et en plus du prix, il faut penser au poids de la tente à porter. Si tu en as la possibilité, c’est mieux de l’acheter avant ton départ. Bonne journée
Bonjour,
J’ai lu votre article et ce trek parait formidable. Vous faite rêver !
Avez-vous encore l’itinéraire exacte sur Wikiloc ou GPX Viewer (vous avez utiliser laquelle vous personnellement par exemple ? )
Je vous remercie de votre aide.
Bonjour Lionel,
Merci beaucoup 🙂 Malheureusement non, je n’ai pas conservé la trace. Nous avons effectué ce trek il y a un an et demi maintenant. Je pense qu’il est possible de trouver une trace plus actuelle.
Très bonne journée