Après quatre jours de randonnée sur la West Highland Way, de Milngavie à Tyndrum, nous voici aux portes des Highlands. Les paysages sont de plus en plus beaux, les hommes se font de plus en plus rares. Il nous reste 68 kilomètres à parcourir avant de rejoindre le centre-ville de Fort William et quelques étapes incontournables comme Glen Coe ou les Devil’s Staircase. Nos corps commencent à s’habituer au rythme imposé. Je vous raconte ces derniers kilomètres, les nuits sous la tente qu’on finit par apprivoiser, les nouvelles rencontres et la nostalgie qui s’installe tandis que la fin approche.
ETAPE 5 – DE TYNDRUM A KING’S HOUSE
32 KILOMETRES // MARDI 02 MAI
Ce matin, nous laissons Tyndrum derrière nous pour entamer l’étape la plus longue de notre voyage. Le temps peine à se lever. La brume omniprésente confère aux Highlands cette aura mystérieuse qui caractérise si bien l’Ecosse. Elle dissimule le sommet des collines, assombrit les rivières et donne aux fermes une atmosphère noire, romantique. Pas après pas, nous nous approchons de Glen Coe. Ici, les vaches ont remplacé les brebis dans les pâturages. Les fermes sont de moins en moins nombreuses et les randonneurs de plus en plus rares. Nous sommes rattrapées par un homme d’une soixantaine d’années. Très vite, nous le surnommons le Bienfaiteur de la West Highland Way. Originaire de Manchester, il parcourt le chemin en solitaire, chaussé d’une paire de Salomon rouge. C’est un adepte du parcours : il connait les meilleures adresses, les difficultés des étapes mais aussi les secrets de la West Highland Way qu’il partage volontiers.
Ce soir-là, nous installons notre tente au bord d’un cours d’eau, face aux montagnes. Jour après jour, j’ai fini par apprivoiser ce petit espace clos qui me filait des crises de claustrophobie dans les premiers temps. Padattente est devenue notre « chez nous ». Simple, sans artifice, minimaliste. Mes nuits sont plus paisibles. Les bruits extérieurs ne m’importunent plus. Seuls le froid et l’humidité qui imprègne mon duvet Millet parviennent encore à me réveiller.
ETAPE 6 – DE KING’S HOUSE A KINLOCHLEVEN
13 KILOMETRES // MERCREDI 03 MAI
La voix de Celia m’extirpe de mon sommeil : « viens voir, c’est trop beau ! » Il est six heures du matin. King’s House est baigné par une lumière chaude, mordorée, enveloppé dans un filet brumeux. Le soleil miroite à la surface de l’eau, réfléchissant les montagnes environnantes. On sort le réchaud et nos tasses en émail couleur abricot, peu pressées de remballer nos affaires. Ce jour-là, le café a le goût du bonheur.
Les 13 kilomètres qui nous séparent de Kinlochleven sont marqués par l’ascension des Devil’s Staircase et, pour la première fois, nous apercevons le Ben Nevis, le plus haut sommet du Royaume-Uni, parsemé de neige. Je suis tiraillée entre deux sentiments : l’envie de profiter au maximum de mes dernières journées au coeur des montagnes et le regret de voir ma randonnée s’achever. J’ai pris goût à ces longues journées de marche : les réveils aux aurores, les paysages qui te fracturent la rétine, la routine rassurante qui s’installe tandis que nous dressons la tente pour la nuit…
Chaque soir, nous retrouvons les mêmes randonneurs au camping : les Quatre Jeunes Russes, Dave et son fils, le Bienfaiteur de la randonnée ou encore les Allemands Photographes rencontrés la veille à Glen Coe. Tous ces visages me sont devenus familiers. On se salue, on se sourit, on s’encourage quand le chemin devient difficile. J’ai l’impression d’appartenir à une « bande », de faire partie d’une promotion : la promotion de la West Highland Way du 28 Avril 2017.
ETAPE 7 – DE KINLOCHELEVEN A FORT WILLIAM
23 KILOMETRES // JEUDI 04 MAI
Les derniers 23 kilomètres qui nous séparent de Fort William n’ont rien de très exceptionnels, à part l’omniprésent Ben Nevis et ses neiges qui se détachent sous le ciel bleu. On marche en prenant notre temps, peu pressées d’arriver. Car le retour à la civilisation est brutal. Le bruit des voitures, les klaxons, la foule… J’ai l’impression de pénétrer dans une dimension parallèle ou plutôt de sortir d’un cocon protecteur. Ce retour en ville me file le cafard. On accélère le pas car il nous faut encore traverser Fort William sur deux kilomètres pour atteindre la fin officielle du chemin : une statue représentant un homme assis sur un banc qui retire ses chaussures. On croise un habitant de Fort William qui nous encourage : “C’est bien les filles ! Vous y êtes presque !”.
Ses paroles agissent sur nous comme une décharge électrique. On reprend un peu du poil de la bête et on pense à la bière qui nous attend quelque part dans un pub. La rue principale de Fort William tourne autour du West Highland Way : souvenir, entrées de musée gratuites pour les randonneurs, etc. Arrivée au pied de la très célèbre statue du randonneur, je m’écroule, un sourire béat aux lèvres.
ETAPE 8 – ASCENSION DU BEN NEVIS
16 KILOMETRES // VENDREDI 05 MAI
Ce jour-là, nous nous élançons sur le “Mountain Track”, le chemin qui mène au Ben Nevis. Le Ben Nevis est le plus haut sommet du Royaume-Uni. Son ascension était pour nous l’occasion de prolonger notre randonnée. L’ascension sollicite chaque muscle de mon corps. La première partie du chemin, bien que très raide, est faite de pierres disposées en escalier pour faciliter la progression. A mi-chemin, nous croisons un lac de montagne et une cascade. On jette un regard à nos montres : nous sommes parties depuis une heure et demi. La seconde partie du chemin se corse. Les escaliers ont complètement disparu. La piste est encore plus raide, composée lacets et de caillasse instable. Le soleil tape, nos pauses sont courtes, juste de quoi se désaltérer et avaler de la mangue séchée.
Enfin, les premières neiges apparaissent. Ca me rebooster d’un coup ! On accélère le pas puis, une vingtaine de minutes plus tard, nous parvenons enfin au sommet. Il nous aura fallu trois heures trente pour réaliser l’ascension. La température ? -7°c. Le vent manque de m’emporter et mes pieds s’enfoncent dans la poudreuse. Je m’accroche à mes bâtons. La neige est dense et épaisse. On avance en se fiant aux cairns et en prenant garde à ne pas nous éloigner du chemin, à ne pas nous aventurer trop près des bords. Autour de nous, les montages se détachent sous le ciel bleu. En face, je distingue un chemin de crêtes, l’autre chemin d’accès au Ben Nevis, destiné à des randonneurs plus chevronnés.
Là, nous croisons les Quatre Jeunes Russes et le Bienfaiteur de la randonnée, comme si le Ben Nevis était une étape incontournable pour clôturer la West Highland Way avant de reprendre la route pour Edimbourg.
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- West Highland Way : comment organiser sa randonnée en Ecosse ?
- West Highland Way, épisode 1 : randonnée dans les Lowlands.
13 comments
Superbe cette nature sauvage!
Bonjour Samsha ! C’était vraiment la plus belle partie de l’itinéraire, sauvage, peu touristique à cette période. Bref, un rêve !
Magnifiques photos, ça donne envie !
Merci Leslie ! C’était une expérience géniale 🙂 J’ai totalement déconnecté !
Bon je change d’avis: cette partie là de la randonnée me donne complétement envie. Mais je suis consciente qu’après une journée de marche je ne rêverais que d’un bain chaud et un bon repas.
Ah ah ^^ On a choisi l’option tente pour être totalement autonome mais le WHW est tellement bien fait qu’à chaque étape, tu peux trouver des gîtes, des refuges et de l’eau chaude 🙂
Bonjour.
Je pars la semaine prochaine. Merci pour votre blog, ça m’a bien aidé pour m’organiser avec les campings
Serge
Bonjour Serge,
Je suis contente que cet article ait pu vous aider. Bon séjour en Ecosse !
Bravo pour ces magnifiques photos. Pourriez-vous me dire quel appareil vous utilisez car le rendu est superbe ?
Je vais passer trois semaines en Ecosse en juillet et après le Skye Trail, j’envisage d’aller dans les Highlands mais j’ai peur que le circuit WHW soit trop fréquenté à cette période (Ça n’était Pas le cas pour vous apparement). Je me ferai sans doute mon propre circuit.
Votre site est également très sympa avec de très belles photos.
Bonjour Serge, à l’époque, j’utilisais un bridge de la marque Lumix.
Très bon voyage en Ecosse ! Le Skye Trail me donne très envie 🙂
Votre recit me fait litteralement rever. Je reve de la WHW depuis quelques mois , je n’ai que quelques randonées à mon actif mais c’est un objectif que j’aimerai beaucoup atteindre.
Merci pour votre retour de cette experience si incroyable. J’espere vraiment pouvoir rejoindre une “promo” un jour…
Et Bravo!